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02/11/2012

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Planté sur un monticule terreux, poussé à balancer par l’air frais matinal,j’attends. Le calme du presque réveillé ne débouche pas mes narines. J’ai du mal à respirer sous ce climat tempéré. Ma jupe plisse et mon pull chiffonne. Mon accoutrement envisage de ne rien donner pour tout préserver. 

Moi - " Vois-tu, je sais que tu m’attends, mais promis craché, j’irai sans rien leur dire.  Je sais que c’est ici. L’évidence flèche la cible. Il est l’heure où l’amour frissonne. " 

Les mains enfoncées au fond de mes poches, j’attends l’autobus. 

Madame Gastor sort de sa coquille. Ses pattes s’agrippent aux fissures de son escalier de pierre. Elle descend sur le centre pour raison boulangère. Elle rapace ainsi tous les jours de sa dure semaine de routine avec son petit bonnet gris, sa mine de salut social, prête à jacasser avec les commères du marché sur l’état tectonique des trottoirs moussus. Elle emprunte le petit sentier et faillit me tomber dessus parce que dans sa routine je ne suis pas là.  Elle me salue et s’excuse pour l’embouteillage. 

Moi- " J’attends l’autobus." Et je me fige définitivement. 

Elle remonte, son cabas bien rempli et me croise en silence. Le lendemain sa silhouette rabougrie descend à nouveau en crabe sur moi. Madame Gastor s’interroge, m’interroge mais n’a aucune réponse. 

Madame Gastor- " Venez avec moi, prenez mon bras, le froid et l’immobilité vous ont ankylosé. Je vais vous guider. Il suffit de prendre le chemin piétonnier avec les graviers blancs régulièrement karcherisé à cause du politiquement correcte et du racisme. Ensuite, nous descendrons la rue des prairies pour rejoindre la Nationale et de là vous pourrez partir. Ce n’est pas long. Mon grand père utilisait ce raccourci à cause de sa prostate et des envies urinaires. Je ne cherche pas à  généaliser notre parcours mais à vous aidez à progresser. Je suis prête à vous accompagner sans rien en échange, juste pour le don de la bonne du curé. "

 Je ne bouge pas. 

Elle continue jusqu’au marché puisqu’on est jeudi, jour du marché.  Bras dessus dessous pour soutenir la vindicte, madame Gastor et son amie de l’étal des courges avancent à la cadence du marteau piqueur venu les orchestrer. Pointe de bille, roulement de savate, parapluie rayant la chaussée, toutes les communiantes et les garçons du foot rassemblés dans un seul souffle d’indignation remontent jusqu’à moi. 

Madame Gastor à la foule qui l’accompagne - " C’est une idée saugrenue, une illusion, une tromperie, un mensonge. Je chérie ce pauvre enfant  et je réclame protection des mineurs. Pauvre petit  aveuglé par la lumière, malmené par je ne sais quel stupéfiant. Il faut fermer les mines mais sans oublier de les enterrer dedans !   La logique veut que l’on arrête tout avant que les murs s’effondrent; c’est une question d’hygiène. "

 Le boucher se lève et aiguise déjà la potence avec son acolyte de café. Le Père modère les vices et propose son hôtel en guise d’accueil de brebis égarée.   Toutes les solutions de canot de sauvetage sont considérées. 

Monsieur le Maire- " Il est perclus d’impossible ce type. Regarde moi bien, sale morveux ! C’est qu’il fait son vicieux à nous agiter sa journée de la jupe sous le nez. De l’ordre ! Question d’éducation communale, de déplacement préfectoral voir d’éducation nationale ! "

 L’écharpe tricolore oblige à forcer le trait de la montée fasciste. 

Monsieur le Maire- " C’est impossible d’attendre le bus ici. L’endroit n’est pas un morceau de choix. Le sot l’y laisse est bien plus bas aux croisements avec la Nationale. "

 Les doigts crispés sur son crayon, monsieur le maire préconise l’intervention de Claude Levi Strauss mais sa voisine lui effleure le Bic en guise de faire part funéraire. 

La voisine du Maire- " Vous laissez pas allez à la mythologie amérindienne, monsieur le Maire. "
  La stupéfaction du désœuvrement le plus total agite alors ses lèvres vers un impératif catégorique et libérateur.  

Monsieur le Maire- " Alors, envoyons la police ! "

Le sous brigadier- " Et puis d’abord, qui c’est celui là, un touareg ? Attendre ici...Mais ce n’est pas libre, pas admis, juste pas possible ! Allez, allez, du balai ! Reconduite  à la frontière ! "

 Le sous brigadier se retourne pour faire face à toutes les têtes bêlantes du village. Le sous brigadier à la foule - " Il s’obstine comme ce n’est pas permis. "

Le sous brigadier à moi- " Monsieur c’est une impasse ici, avec panneau interdit de circuler sauf aux riverains. Vous ne verrez jamais un bus se risquait à pénétrer. C’est bien trop résidence privée, propriétaire avec voiture tout confort et chien aboyant. "

 Le notaire se risque à m’expliquer pour rassurer l’assemblée qui m’entoure. 

Le notaire à moi - " Si sous un pont, il y a une interdiction pour les véhicules de plus de deux mètres. Ce n'est pas une entrave à la   liberté : quel camion voudrait raisonnablement passer sous ce pont, alors qu'il dépasse deux mètres ? Allons soyez raisonnable ou fou mais ne rester pas ici pour attendre le bus ! "

Le sous brigadier à la foule- "  Il ne connait pas le code de la route. A-t-il dit seulement où il veut aller ? Il n’est même pas d’ici que déjà il veuille se faire voir ailleurs. "
 Le sous brigadier qui n’a aucun lien de parenté avec la rue de l’adjudant Lejeune le fouille et ne trouve aucun papier.  Il s’adresse à Radim.

Le sous brigadier à Radim-"  Va s’y toi ;  souviens toi de tes origines ; peut être que ça va le libérer ;  fais lui ta recette pour inconnu dans la rue,  d’accolade allemande avec grand contact. "

Radim le garde forestier qui ne s’occupe pas de la forêt qui a été rasée depuis bien longtemps vient le renifler parce qu’il connait bien les sortir du nucléaire et qu’il a bien l’air d’un électron libre le gars. Il ne sent rien de radioactif et ses mains bucheronnes n’ont  tâté ni bombe ni  lépidope. Il tente une connexion free hug haut débit en vain. 

Les jours passent.  Après la classe les enfants quittent l’école de la Rade pour venir jouer à attendre. La nuée, colorée par les  réflecteurs accrochés dessus, qui  font de l'aide pour votre sûreté personnelle tandis que vous traversez la rue foncée, est très vite dispersée par les adultes casse-pieds. 

J’en soupçonne deux ou trois d’attendre secrètement  et donc sérieusement dans les arbres creux. Les villageois ne s’inquiètent plus que je ne mange pas, ne parle pas. Un gamin m’a traité de boudin ou de bouddha je ne sais plus trop. J’attends l’autobus.

 Jeudi, jour du marché, madame Gastor emprunte le chemin le plus court parce qu’elle n’a plus peur de devoir faire le détour qui évite de me croiser. Je suis dans ses petits papiers routiniers à présent mais je suis parti très tôt ce matin avec ma jupe plissée et un peu tâchée. L’autobus est chauffé. Ce climat d’équateur me convient tout à fait. 

Madame Gastor panique et file alerter les villageois. Le maire qui aime la peinture de chasse  s’empourpre lorsqu’avec candeur et con qui descend le conseil réunit en séance exceptionnel facilité pour cause de jour de marché, vote à l’unanimité l’érection de l’arrêt. Une mamie connait un menuiser qui connait la sœur d’une artiste belge. Le paquet n’est pas encore emballé que tout est pesé. Un mètre quatre vingt, du hêtre ça c’est sans discuter. Madame Gastor souffle qu’il faille pancarter.  Tout va de soi.

 Au fond de l’impasse de la croix du salut sur un monticule herbeux une indienne belge a planté le témoin de la force. Les mésanges l’apprécient et chantent l’impossible perchées sur la pancarte où les passants peuvent lire : arrêt d’autobus.

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